Dieu aurait fait plusieurs essais de création… Mais pourquoi ?

« Dieu créateur du monde » – Bible moralisée, Paris, v. 1215-1230 – Vienne, Österreichische Nationalbibliothek, Codex Vindobonensis 2554, fol. Iv

Dieu, d’après un récit juif issu de la tradition orale, aurait fait plusieurs essais de Création avant la Création où nous existons.

Mais pourquoi ? Quelle (s) interprétation(s) donner à un tel récit ? Que peut-il exprimer au sujet de Dieu ? de la création ? de l’être humain ?… que sais-je ?…

Compétences engagées :

  • Discerner les registres de réalité et de langage.
  • Décoder le mode de relation au religieux (quelles images se fait-on de Dieu ?).
  • Pratiquer le dialogue œcuménique, interreligieux et interconvictionnel.
  • Pratiquer le questionnement philosophique.

Extraits des propositions des élèves :

  1. Rare de réussir une chose aussi complexe du premier coup… ça a dû être difficile… mais en même temps, c’est Dieu, donc il peut tout faire à la perfection…
  2. Il se pourrait aussi qu’il a fait exprès de faire des défauts au monde pour voir comment on réagirait. Peut-être qu’on a une mission à accomplir sur terre.
  3. Dieu a fait exprès d’équilibrer le bien et le mal pour nous apprendre des choses. Par contre, je ne sais pas pourquoi.
  4. Afin d’atteindre la perfection. S’améliorer essai après essai.
  5. Un brouillon avant une œuvre d’art.
  6. Essayer de prendre en compte tous les facteurs.
  7. Rien n’est jamais parfait dès le départ.
  8. Car à la première tentative pour créer le monde, il a un peu raté. Pour arrêter de se prendre la tête avec des adaptations et des manques, il a préféré effacer ce monde existant et en créer un nouveau. (…) Comme c’était lui qui avait le contrôle total de l’univers, il était libre de recommencer autant de fois jusqu’à ce qu’il soit parfait pour lui.
  9.  Les erreurs existent.
  10. Il ne savait peut-être pas dès le début vers quelle direction partir.
  11. Il crée les choses séparément, les teste, pour arriver à un résultat parfait.
  12. Dieu est maître de tout, s’il ne veut pas que l’on découvre quelque chose, on ne le découvrira pas. Et peut-être qu’il ne veut pas qu’on sache s’il nous a créés en une fois…
  13. Peut-être que Dieu n’est pas si tout-puissant. On peut le prouver grâce au paradoxe de la pierre : Dieu n’est pas tout-puissant puisqu’un tout-puissant ne peut créer une pierre qu’il ne pourrait soulever.
  14. Alors Dieu peut peut-être détruire ses anciennes créations une fois obsolètes et pourrait faire de même avec nous.
  15. Une chose est sûre : Dieu ne cherchait pas à faire la perfection avec la race humaine, sûrement par choix, car il aurait vraiment dû se tromper si c’était le cas en voyant ce que tout cela donne.
  16. Il avait mieux à faire.
  17. Parce qu’au tout premier essai, il s’est rendu compte que ce n’était pas assez bien, que l’humanité n’avait pas assez de confort
  18. Parce qu’au premier essai, la taille de la création n’était pas assez grande pour accueillir l’humanité tout entière.
  19. Il n’a pas eu toutes les idées en une fois.
  20. S’il n’essayait pas plusieurs fois, il n’aurait jamais pu être aussi sûr de lui.
  21. C’est comme dans la vie, on se rend compte de ses erreurs et on ne les reproduit pas.
  22. Car il veut laisser la possibilité à l’homme de se tromper.
  23. Car Moïse voulait diminuer les mérites de Dieu.
  24. Avant de faire la perfection, on doit recommencer, commettre des erreurs. Pourtant Dieu n’est-il pas la perfection incarnée ?
  25. C’est comme pour tout projet, il y a le commencement et la fin et, à la fin, s’atteint la perfection. Donc on peut dire qu’il a voulu atteindre la perfection.
  26. Peut-être, il y a-t-il des multivers.
  27. On peut alors se dire que Dieu, créant automatiquement la perfection, a voulu ajouter des éléments imparfaits ayant pour but de nous apprendre certaines choses tel que la vision du bien et du mal.
  28. La théorie des brouillons ne peut être correcte, car Dieu ne peut faire d’erreur. Cela voudrait dire qu’il a échoué, or cela est impossible.
  29. Ce qui est le plus dur : recommencer après un échec au lieu d’abandonner.
  30. Il cherche la perfection.
  31. Nous sommes les essais de la réussite. On est là pour perfectionner la création de Dieu.
  32. Pour faire des expériences.
  33. Pour peut-être avoir le meilleur monde possible pour nous, ses créations.
  34. Pour tester jusqu’où son intelligence peut l’amener.
  35. Peut-être que c’est pour nous faire réfléchir et nous dire que Dieu a donné une chance à notre humanité.
  36. Dieu a fait plusieurs créations pour voir ce qui allait et ce qui n’allait pas et prendre les meilleures choses pour les rassembler en une seule création.
  37. Dieu avait peut-être une création bien précise, mais avec l’influence des anges et du mal, il a peut-être modifié sa création au fur et à mesure du temps.
  38. Peut-être que Dieu trouvait que le monde était trop parfait pour des humains comme nous.
  39. Peut-être qu’il a fait plusieurs essais et qu’ils sont encore tous là, mais qu’on ne les voit pas.
  40. Dieu aime peut-être le changement.
  41. Peut-être que les « humains », dans ses autres essais, ne l’ont pas reconnu comme leur dieu.
  42. Ses créations se sont autodétruites pour une raison ou une autre.
  43. Peut-être que Dieu s’ennuyait avec un seul monde et en a créé d’autres.
  44. Parce qu’il est parfait et voulait aboutir à une terre aussi parfaite que lui.
  45. Pour que les gens se rendent compte que tout le monde fait des erreurs et qu’il est possible d’avancer, de progresser.
  46. Pour rassurer ses créatures en ne se montrant pas tout puissant.
  47. Peut-être par amusement : pour se défier lui-même.
  48. Plusieurs essais avant de faire un monde qui convient à tous.
  49. Mais est-ce vraiment le chef d’œuvre ou est-il encore dans ses brouillons ?
  50. Ou alors, Dieu est peut-être une « créature » qui crée des mondes afin de se divertir et qu’une fois qu’il commencerait à s’ennuyer, il partirait en créer un nouveau plus divertissant.
  51. Peut-être sommes-nous aussi une création ratée.
  52. Il a évolué, donc changé ce qu’il n’était plus d’accord avec lui-même.
  53. Il a sûrement dû d’abord créer des êtres et un monde parfaits, sans défaut. Mais il s’est rendu compte que cette perfection posait problème, qu’elle ne faisait pas d’eux des êtres vivants. Alors il les a créés avec des défauts et aussi la capacité de les surmonter. Grâce à ça, les humains ont eu des rêves et des envies : des défis, des objectifs. Leur vie a pris du sens. Ils étaient vraiment vivants. Il a laissé la terre, les animaux, les plantes… parfaits, sans défaut. Du moins de la manière dont il conçoit la perfection puisque chacun la perçoit différemment. Peut-être, car il savait que les défauts des humains finiraient par gâcher la perfection de la terre. S’il ne savait pas, peut-être regrette-t-il, peut-être est-il en colère que son œuvre soit ruinée.
  54. Si Dieu est tout bon, il ne peut être tout-puissant. Or s’il est tout puissant, il ne peut être tout bon. Par conséquent, en étant tout puissant, il est obligé de recommencer pour atteindre la perfection étant donné qu’il ne met peu de bonté dans ses créations.
  55. Est-ce que le monde qui nous entoure est réel ? Telle est la vraie question.
  56. Parce que même Dieu peut se tromper (je pense qu’il n’y a pas besoin de plus et je le pense vraiment).
  57. C’est un peu comme les crêpes : la première est toujours ratée.
  58. Pour pouvoir choisir ensuite celui qui lui plairait le plus.
  59. Dieu est hésitant. Il ne sait pas si sa création est bien et tient la route. Il recommence par sécurité pour se rassurer qu’il n’a pas créé quelque chose de mauvais.
  60. Afin d’avoir le moins de problèmes possible sur la terre.
  61. L’homme étant une « créature » difficile à comprendre et à réaliser, il est trop imprévisible pour garder le même monde intact pendant longtemps (comme l’éternité par exemple) et qu’à cause des actions des hommes des créations précédentes, Dieu retente à chaque fois de faire un monde meilleur que le précédent en changeant quelques détails ou en en améliorant d’autres.
  62. Cela expliquerait pourquoi le monde court à sa perte : il crée ailleurs et ne nous accorde plus aucune attention.
  63. Au fil du temps, on peut remarquer de grandes avancées dans le monde. La nature et les hommes changent. Peut-être est-ce aussi Dieu qui modifie sa création, qui la reprise même maintenant.
  64. Peut-être que la première création ne possédait pas le libre arbitre et que Dieu ne voulait pas priver l’homme de ce cadeau magnifique que sont la conscience et la liberté de le servir.
  65. Mais pourquoi ? Dieu seul sait pourquoi. Mais nous pouvons essayer de deviner.
  66. Dieu, quel Dieu ? Il existe plein de cultures différentes, alors quel est le père de la terre, où s’arrêtent les histoires pour enfants dans les livres religieux et où commence la réalité ?
  67. Les autres créations étaient trop parfaites ou pas assez.
  68. Dieu aurait créé toutes ces créations avec des imperfections, car le seul être parfait est lui-même.
  69. Parce que.

Compléments : propositions des 6 TQ

  1. Créer la terre a dû être tellement complexe que c’est impossible de réussir du premier coup. Du coup, ça pourrait expliquer les suppositions d’autres dormes de vie que nous.
  2. Nous sommes sa plus belle œuvre, donc il voulait que nous et le monde dans lequel nous vivons soient parfaits.
  3. Avant nous, tous les autres essais sont des brouillons. Nous sommes la représentation de Dieu, il nous a refait pour que nous lui ressemblions le plus possible.
  4. Pour faire grandir et faire avancer l’humanité.
  5. Peut-être que quelqu’un s’est mis à détruire le monde qu’il aurait créé la première fois.
  6. Pour avoir un être humain parfait aux yeux des autres et pouvoir vivre sur terre en bonne cohabitation.
  7. Peut-être qu’il a estimé que ses premières créations n’étaient pas forcément parfaites pour lui.

La proposition rabbinique + perspective chrétienne et biblique

Le rabbin Meloni m’a signalé un jour que la question avait été discutée dans la tradition rabbinique. Dans un premier temps avait été avancée l’idée que D. cherchait à créer un monde le plus parfait possible, d’où l’effacement progressif de mondes insuffisamment parfaits.

Finalement les rabbins aboutissent à la solution inverse : D., parce qu’il est parfait aurait créé d’abord un monde quasi parfait, mais trop parfait pour que l’homme puisse l’habiter de façon créative, puisse l’améliorer.

Il aurait donc fait ensuite plusieurs essais pour aboutir à un monde suffisamment abouti pour que l’être humain puisse y vivre heureux, mais suffisamment inabouti (imparfait) pour que l’homme puisse y exercer sa créativité pour le perfectionner.

D. se reposant le septième jour pour laisser l’homme agir à sa guise pour faire évoluer le monde.

Chez les chrétiens, ce « retrait » de Dieu qui laisse la liberté à l’homme d’achever la création est également présent. Un concept l’exprime : Dieu est créateur, l’homme est co-créateur. C’est, dans le programme de religion, à la page 120, l’intitulé du thème IX pour les cours des deux dernières années du secondaire.

À noter que la Bible évoque aussi une forme de multiplicité des créations :

  • Dans l’épisode du déluge (Livre de la Genèse, chapitres 6, 7,8), Dieu se repent d’avoir créé l’être humain et cherche à tout effacer dans un premier temps, puis il change d’avis en sauvant Noé, le seul juste – Noé construisant l’arche et sauvant le reste de la création… co-rédemption puisque l’être humain sauve avec Dieu.
  • Dans le Livre d’Isaïe, au chapitre  65 et dans le Nouveau Testament (Livre de l’Apocalypse, chapitre 21) sont annoncés, pour la fin des temps, des cieux nouveaux et une terre nouvelle… une recréation, la résurrection.

« Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l’esprit. Soyez plutôt dans la joie, exultez sans fin pour ce que je crée. Car je vais recréer Jérusalem, pour qu’elle soit exultation, et que son peuple devienne joie. J’exulterai en Jérusalem, je trouverai ma joie dans mon peuple. On n’y entendra plus de pleurs ni de cris. Là, plus de nourrisson emporté en quelques jours, ni d’homme qui ne parvienne au bout de sa vieillesse ; le plus jeune mourra centenaire, ne pas atteindre cent ans sera malédiction. On bâtira des maisons, on y habitera ; on plantera des vignes, on mangera leurs fruits. On ne bâtira pas pour qu’un autre habite, on ne plantera pas pour qu’un autre mange ; car les jours de mon peuple seront comme les jours d’un arbre, et mes élus jouiront des ouvrages de leurs mains. Ils ne se fatigueront pas pour rien, ils n’enfanteront plus pour l’épouvante, car ils sont la descendance des bénis du Seigneur, eux et leur postérité. Alors, avant qu’ils n’appellent, moi, je répondrai ; ils parleront encore que moi, je les aurai entendus. Le loup et l’agneau auront même pâture, le lion, comme le bœuf, mangera du fourrage ; le serpent, lui, se nourrira de poussière. Il n’y aura plus de mal ni de corruption sur toute ma montagne sainte, – dit le Seigneur. » (Livre d’Isaïe, chapitre 65, verset 17-25)

« Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en a plus. Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. Et j’entendis une voix forte qui venait du Trône. Elle disait : “Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, et lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur : ce qui était en premier s’en est allé.” Alors celui qui siégeait sur le Trône déclara : “Voici que je fais toutes choses nouvelles.” Et il dit : “Écris, car ces paroles sont dignes de foi et vraies.” Puis il me dit : “C’est fait. Moi, je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. À celui qui a soif, moi, je donnerai l’eau de la source de vie, gratuitement. Tel sera l’héritage du vainqueur ; je serai son Dieu, et lui sera mon fils. Quant aux lâches, perfides, êtres abominables, meurtriers, débauchés, sorciers, idolâtres et tous les menteurs, la part qui leur revient, c’est l’étang embrasé de feu et de soufre, qui est la seconde mort.” (Livre de l’Apocalypse, chapitre 21, verset 1-8)


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