Pourquoi sommes-nous libres : mise en commun des travaux d’élèves + perspectives sur la liberté chrétienne

Plusieurs pistes de réponse proposées dans les travaux :

  • La liberté nous permet de devenir nous-même, d’être quelqu’un et non quelque chose. Nous sommes un « qui » et non un « quoi ».

    Sartre défend cette idée : L’existence précède l’essence (en philosophie, le mot « essence » désigne ce qui fait que quelque chose est ce qu’il est).Le fait d’être, d’exister,  ne fait pas de nous une « essence » prédéterminée, un « quelque chose » de prédéterminé…

    C’est ce que nous ferons dans notre existence qui définira. « L’homme est la somme de ses actes« , écrit Sartre : le résultat de l’exercice de sa liberté.

 

  • La liberté nous permet de préserver, de prendre soin, du monde et de le perfectionner.Quand Dieu crée, il crée nécessairement de l’imparfait, avec donc une dimension autodestructive. Sinon il créerait un alter ego, un autre « Dieu ».

    L’être humain, créé libre et co-créateur (« créateur avec ») est à l’image de Dieu. Libre et créateur, il reçoit de Dieu la responsabilité de la création : il lui revient de la préserver, de la développer, de la perfectionner.

    Un enseignement oral est attribué à Moïse dans la tradition juive : Dieu s’y serait pris à plusieurs fois pour créer le monde. Les rabbins se sont interrogés : est-ce parce que les premiers essais n’étaient pas assez parfaits ? Au contraire, se sont-ils dit : un monde parfait ne laisserait aucune place à la liberté de l’être humain. Dieu aurait cherché à aboutir à une juste dose de viabilité et d’imperfection pour que, après qu’il a choisi de se reposer au septième jour, il puisse laisser l’être humain se déployer dans la création (« croître », dit le texte biblique) et la perfectionner.

 

  • Qui dit liberté dit « mérite » : ce que l’on fait librement peut être loué ou blâmé, sanctionné ou récompensé. Pas ce que l’on fait de façon totalement contrainte. Si la liberté n’existait pas, les sanctions n’auraient pas de sens, elles seraient imméritées et elles ne pourraient avoir un rôle « éducatif » : amener l’auteur d’un mal à prendre conscience et à choisir librement de poursuivre sa vie sur une base nouvelle.

 

  • Importance de l’articulation de la liberté de l’être humain avec le temps : le temps permet à l’homme de construire et de se construire. Le temps ne fait pas que détruire.

Deux questions rabbiniques

Mais pourquoi Dieu aurait-il créé une créature libre ? D’autant que cela offrait la possibilité d’introduire le mal dans l’existence, dans le monde.

Et les rabbins, dans la tradition juive, de s’interroger sur deux questions fondamentales :

  • Une question fondamentale sur la manière qu’a Dieu d’être créateur : Dieu, d’après une tradition orale attribuée à Moïse, s’y serait repris à plusieurs reprises pour créer le monde. Il aurait fait plusieurs « essais »… Mais pourquoi ?
  • Une question sur la valeur de la création de l’être humain a suscité des discussions entre deux maîtres juifs antérieurs à Jésus de quelques décennies (Hillel et Shammai) : Dieu a-t-il bien fait de créer l’être humain ?

Une discussion du professeur avec ChatGpt au sujet de la deuxième question (version Word .docx)

Intériorité chrétienne : les zones intérieures

La tradition mystique chrétienne parle d’un « cœur » de l’âme , d’un « esprit profond », d’une « volonté profonde », d’une « fine pointe de l’âme ». Elle y voit le lieu « spirituel » de la liberté profonde, le « lieu » de la rencontre avec Dieu, avec soi, avec autrui.

Afficher et télécharger les deux versions  (parmi d’autres possibles) du schéma

Perspectives anthropologiques et théologiques fondamentales… questions fondamentales…

L’anthropologie issue du judaïsme et du christianisme considère que l’être humain est une créature dotée de libre arbitre, dotée d’une liberté : donc capable et de choisir librement le bien et de choisir librement le mal. Cela lui offre la possibilité de « créer » son existence, de transformer le monde, de le perfectionner ou de l’abimer. La tradition catholique regarde l’être humain comme co-créateur, c’est-à-dire « créateur » du monde  « avec » Dieu.

«  Alors le Seigneur Dieu modela l’homme avec la poussière tirée du sol ; il insuffla dans ses narines le souffle de vie, et l’homme devint un être vivant. » (Livre de la Genèse, chapitre 2)

La théologie chrétienne identifie ce « souffle » de Dieu à l’Esprit Saint, troisième personne de la Trinité.

La liberté chrétienne, dans la tradition des spirituels et mystiques chrétiens, suppose que l’être humain se soit reconnecté à son cœur profond, à son esprit profond, au souffle venu de Dieu qui l’habite en profondeur et fait de lui ce que saint Paul appelle un homme « pneumatique » (du grec pneuma : vent, souffle, esprit)  et non plus un homme « psychique » dominé par ses pulsions destructrices, ses imaginations orgueilleuses, ses idées toutes faites, ses préjugés décalés de sa réalité profonde.

L’exercice concret de la liberté implique une unification spirituelle intérieure et extérieure, de son « âme » et de son « action » : que soit en « cohérence »  ce que je fais, ce que je dis, ce que je ressens, ce que je pense, ce que je veux et le coeur profond de mon être.

« L’homme psychique ne reçoit pas les choses du pneuma de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme pneumatique (spirituel), au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne » (saint Paul première épître aux Corinthiens, chapitre 2, verset 14-15).

Des outils et méthodes spirituels existent dans la tradition spirituelles chrétienne. Par exemple dans la tradition ignatienne (c’est-à-dire inspirés de saint Ignace de Loyola, auteurs des Exercices Spirituels).

Deux articles du cours sur la spiritualité « ignatienne » : iciici 

Un centre spirituel ignatien en Wallonie (à Wépion, près de Namur) qui permet de suivre des retraites ou récollections spirituelles pour développer sa liberté : La Pairelle