Assemblées de classe : une position commune des classes au sujet des événements en cours en Israël et dans la bande de Gaza ?

La tâche finale proposée par le professeur à chacune des classes :

Ce qui se passe en Israël et dans la bande de Gaza : une position commune de l’unanimité des élèves de la classe est-elle possible ?

Si c’est oui, laquelle ?

Déroulement

Première heure

Sans autres connaissances et informations que celles qu’a chaque élève et la rapide projection des Unes de la semaine des journaux Le Soir et La Libre :

        1. 5′-10′ de réflexion personnelle avec possibilité de la rédiger sur une feuille ou d’écrire des mots/expressions-clés…
        2. Quelques minutes de mise en commun avec son voisin, sa voisine
        3. Un échange de 15′ en sous-groupe aléatoire de 4-5 élèves avec l’objectif de chercher une position commune
        4. Un porte-parole de chaque groupe informe la classe de ce que le groupe a produit

Rôle du professeur :

        • Présenter et organiser l’activité en faisant respecter le timing
        • Constituer aléatoirement les sous-groupes (méthode chaque élève en fonction de sa place reçoit un numéro de 1 à x qui sera celui de son groupe).
        • Ne pas donner de position personnelle, ne pas présenter d’information sur ce qui s’est passé (il serait inévitablement influencé par sa propre lecture des événements – cela viendra plus tard à partir d’articles ou de documents les plus strictement factuels et neutres possibles).
        • Reconnaître la légitimité démocratique d’avoir une position qui amène à « prendre parti » pour l’un ou l’autre, position qui peut être très radicale, et simplement indiquer que l’exercice cherche à voir si une position commune, malgré les divergences ou au-delà des divergences, malgré les partis pris ou au-delà des partis pris, est possible.
        • Identifier et signaler les possibles tentatives d’emprise sur le groupe pour faire passer « sa » position pour une position de tous.
        • Prendre note de la mise en commun (si c’est nécessaire parce que le temps de mise en commun est trop court pour une autre solution).

Deuxième heure (+ troisième heure selon le déroulement)

        1. 5′-10′ d’échange pour se remémorer ce qui s’est fait lors de l’heure de cours précédente + difficultés, frustrations, intérêt trouvé ou non…
        2. 5-10′ pour lister ce qui est sorti des sous-groupes et qui pourrait faire l’objet d’une approbation unanime.
        3. Invitation à proposer d’autres idées qui seraient venues par la suite et évaluation du consensus (accord unanime) qu’elle pourrait susciter.
        4. Examen de ce qui fait divergence et réflexion sur ce qui permettrait de dépasser les désaccords.
        5. Introduction de la notion d’attente, d’espoir, de désir (ce que l’on voudrait, espère, désir…)
        6. Si c’est possible, rédaction d’une position commune.
        7. En cours ou à la fin du travail, mise en commun de ce que les élèves ont comme informations sur ces événements, leur contexte, leur origine. À chaque fois la source des informations proposées est explicitée.
        8. Un article du journal La Croix a été trouvé par le professeur qui lui semble sérieux et factuel : Afficher et télécharger l’articleVersion avec police de caractère et interlignes plus grands – Il le fournit aux élèves.
        9. Évaluation du parcours et possibilité de le reprendre pour améliorer la position commune.

Pour élargir : audition d’une interview du photojournaliste Don McCullin et autres pistes

      • Lors d’une interview sur la radio France Inter, Don McCullin évoque le conflit israélo-palestinien et plus généralement son activité de photojournaliste couvrant des guerres, le rôle de la communauté internationale et le fait que c’est une profession dont le cerveau ne sort pas indemne. Cliquez ici
      • Autres élargissements possibles :
        • évocation des diverses positions existantes sur ce conflit, notamment en Europe,
        • conséquences néfastes dans nos sociétés (des tensions entre différents groupes, parfois un lien avec certains actes terroristes…),
        • informations et repères factuels sur des notions de droit international, de justice internationale, de crime de guerre, de crime contre l’humanité…
        • Faire mémoire de divers traumatismes historiques  : le conflit occidentalo-arabe depuis le moyen-âge, l’antisémitisme, la Shoah (la « catastrophe » de la tentative d’extermination du peuple juif par les nazis), la Nakba (l e « désastre » de l’exode palestinien depuis 1948, date de la création de l’État d’Israël), colonisation/décolonisation…
        • la notion de « décence commune » ou « décence ordinaire » (1), proposée par George Orwell (La Ferme des animaux sera lue plus tard dans l’année scolaire)

Remarques :

Le professeur s’efforce de rester le plus neutre possible au long du processus  en reconnaissant le droit démocratique de prendre parti, même radicalement.

Mais, parce que c’est la mission que lui confie l’Etat et la société, il défend, à partir de la deuxième heure :

        • l’importance de l’esprit critique, qui est d’abord autocritique : un premier pas est la prise de conscience de son parti-pris et du droit, dans une société démocratique, à en avoir d’autres – c’est aussi la prise de conscience qu’il y a toujours moyen d’aller plus loin dans une réflexion, y compris en nous remettant en cause, grâce à ceux qui nous remettent en cause,
        • le souci de s’informer rigoureusement en croisant les sources,
        • la loi,
        • le souci et la recherche et de la paix sociale (même s’il est des circonstances où des valeurs essentielles peuvent obliger à se positionner « en faisant des vagues », éventuellement fortes, l’objectif doit rester la recherche d’une paix sociale).

(1) La décence commune ou ordinaire pourrait se définir d’une des façons suivantes : « sens commun qui nous avertit qu’il y a des choses qui ne se font pas » ou encore « vertus humaines élémentaires que sont, par exemple, la loyauté, l’honnêteté, la bienveillance ou la générosité… », une attitude donc très « populaire », parfois absente chez certains leaders quand ils se laissent embarquer par des idées ou des théories déconnectées du bon sens de ceux qui savent rester des petites gens.

Pour le dire avec les mots de Don McCullin, dans l’interview sur ses valeurs quand il évoque une photo qu’il n’a pas prise : « Quelles que soient les opportunités, l’essentiel est de pouvoir se regarder dans le miroir. (…) L’intégrité et l’honnêteté sont les deux principes fondamentaux à respecter.»


Éléments de consensus possibles qui ont été exprimés à l’issue de la première heure

  • Expression d’un sentiment de tristesse
  • Compassion. Un élève cite la phrase suivante : « Parfois tout pleure en soi sauf les yeux »
  • On ne voudrait pas être à leur place
  • Dans ce conflit les deux partis en présence sont perdants
  • Guerre inutile
  • Importance de l’information
  • Critique  de l’éventuel favoritisme dans le traitement de l’information, dans les réactions officielles extérieures au conflit
  • Valeur de l’hospitalité et de la gratitude
  • Faites l’amour pas la guerre
  • On ne peut être d’accord avec des gens qui voudraient la guerre pour la guerre
  • Injuste parce qu’il y a des innocents qui meurent

Éléments importants exprimés, difficiles en terme de consensus possible, mais qui méritent d’être creusés, réfléchis, de voir mesurer leur portée

  • Une des parties en présence souffre davantage que l’autre, est davantage perdante que l’autre
  • Médias et états occidentaux qui favoriseraient Israël
  • Forme de méfiance devant les « autorités » sur cette question
  • Quand les Palestiniens auront une terre, ce sera la fin du monde…

Réflexion du professeur sur le dernier élément :

La portée de la dernière remarque est très profonde et interpellante. Faut-il attendre la fin du monde pour que la justice et la paix existent sur terre ?

Les trois religions (par ordre chronologique : Judaïsme, Christianisme, Islam) affirment une telle « espérance » eschatologique : la venue du messie à la fin des temps, le retour de Jésus Christ (de Jésus comme prophète aux yeux des musulmans) à la fin des temps, inaugurera un état de justice et de paix définitives.

Le philosophe Emmanuel Lévinas, dans la préface de son livre Totalité et infini, réfléchit sur la guerre. Pour lui, la guerre met en échec la morale et apparaît comme un trait inéluctable de l’existence humaine – et la guerre peut embarquer vers le pire chaque humain (comme bourreau ou comme victime).

Mais, à cette perspective désespérante, le « prophète » oppose l’espérance en une justice et une paix, à la fin des temps, paix et justice finales à laquelle il est de la responsabilité de chacun et de chaque groupe humain de déjà se relier activement ici et maintenant.

C’est par rapport à cette promesse de paix et de justice que chaque humain est jugé, que sa responsabilité est engagée ici et maintenant.

Vocabulaire :

« eschatologie » : du grec « eschaton » (« dernier ») et « logos » (« discours, paroles »). L’eschatologie, c’est ce que l’on pense et dit sur la « fin des temps », la destinée finale de l’humanité.