Les caractéristiques classiques du Corbeau et du Renard (La Fontaine)

Le Corbeau et le Renard

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Eh ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.

Retrouver les caractéristiques classiques d’un texte, c’est faire concrètement correspondre chacune de ces caractéristiques avec des éléments concrets du texte et expliquer.

1) Caractéristiques « morales » : l’idéal de l’honnête homme, ordonné

  • La morale de cette fable est classique : les lecteurs sont invités à se « maîtriser » eux-mêmes, à maîtriser par la raison leurs passions intérieures : particulièrement le fait d’être « complexé », de manquer de confiance en soi. c’est cela qui amène le corbeau à être sensible à la flatterie du renard qui profite de sa faille. On peut évoquer la critique de la vanité, de l’orgueil du corbeau. Ou encore de sa bêtise (la bêtise est aussi une « passion », une forme de paresse intellectuelle qui amène à ne pas suffisamment réfléchir). Le corbeau est critiqué et moqué au nom de l’idéal classique de l’honnête homme.
  • La Fontaine fait preuve de bon goût dans cette fable. Par exemple la laideur du croassement du corbeau n’est pas directement représentée, mais indirectement, par de subtiles répétitions sonores qui l’évoquent crescendo, mais de façon discrète : « bois », « joie », « proie » (proie… rrrwwaa).

2) Symétrie, harmonie, respect des règles de versification

La manière dont est écrite la fable témoigne aussi de ce goût de l’ordre qui domine le désordre, caractéristique du classicisme.

    • Les quatre premiers vers sont très symétriques dans leur construction syntaxique : Maître Corbeau / Maître Renard ; sur un arbre perché / par l’odeur alléché ; tenait en / tint à (avec la liaison qui répète chaque fois le « t »). Ajoutons les rimes et la répétition de l’alternance décasyllabes / octosyllabes.
    • Cette harmonie se veut « plaisante » (un des buts du classicisme est de plaire), non ennuyeuse. Il y a donc des variations: il y a des symétries, mais aussi de subtiles dissymétries pour ne pas que le texte soit ennuyeux : « tenait en » / « tint à » (il y a bien répétition des « t », mais ils ne se suivent pas directement dans la première expression.

La Fontaine utilise également des vers de longueur différente (10 – 8 – 10 – 8 10 -12 – 8 – 8 – 12 – 12 – 8 – 12 – 12 – 7 – 10 – 12 – 8 – 12). À noter la présence d’un unique vers de sept syllabes qui rompt habilement la régularité.

Les décasyllabes et alexandrins respectent les règles classiques : une césure à la quatrième syllabe pour les décasyllabes, une césure à la sixième syllabe pour les alexandrins :

    • Maître Corbeau // sur un arbre perché //
    • Le Renard / s’en saisit // et dit : / « Mon bon Monsieur //
    • Vit aux dépens // de celui qui l’écoute //
    • Jura /, mais un peu tard // qu’on ne l’y / prendrait plus //

Les rimes alternent au début, puis se suivent : régularité et variation

3) Cette fable est naturelle et instructive

Même si, dans la nature, les animaux ne parlent pas, ils s’expriment ici naturellement, sans excès. Par des phrases le plus souvent très simples :

Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !

Et cette simplicité s’accompagne aussi d’une recherche de la « distinction » (mais une « distinction » qui reste simple) :

À ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;

L’objectif n’est pas que de plaire, de distraire, mais aussi d’instruire par une leçon morale typiquement classique puisqu’elle invite à se maîtriser soi-même de peur d’être sous la coupe d’autrui, sous la domination d’autrui.

 

4) Référence à l’antiquité grecque

La Fontaine s’est inspiré d’une fable du grec Ésope (6e siècle avant Jésus-Christ) :

 

LE CORBEAU ET LE RENARD

Un corbeau déroba un morceau de viande et alla se percher sur un arbre. Un renard, l’ayant aperçu, voulut se rendre maître du morceau. Posté au pied de l’arbre, il se mit à louer la beauté et la grâce du corbeau : “A qui mieux qu’à toi convient-il d’être roi ? En vérité tu le serais, si tu avais de la voix ! “Le corbeau voulant lui montrer qu’il n’en était pas dépourvu, laissa tomber la viande et poussa de grands cris. L’autre se précipita, s’empara de la viande et dit : “Ô corbeau, si tu avais aussi de l’intelligence, il ne te manquerait rien pour être roi de tous les animaux !”

Avis aux sots.

ÉSOPE


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