Dieu ne veut pas d’esclave : de Jacob qui devient Israël à Moïse par qui Il donne la loi

Dieu ne veut pas d’esclave : de Jacob qui devient Israël à Moïse par qui Il donne la loi

Henri Eisenberg, Le Combat de Jacob avec l’Ange. Acrylique sur toile 24 x 33 cm., 2009

Les textes sont proposés dans la Traduction du Rabbinat

1) Sur le mont Sinaï (Exode, chapitre 19)

« Alors Dieu prononça toutes ces paroles, savoir :

    1. « Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage.
    2. « Tu n’auras point d’autre dieu que moi. Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, tu ne les adoreras point ; car moi, l’Éternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux, qui poursuis le crime des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et à la quatrième générations, pour ceux qui m’offensent ; et qui étends ma bienveillance à la millième, pour ceux qui m’aiment et gardent mes commandements.
    3. « Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel ton Dieu à l’appui du mensonge ; car l’Éternel ne laisse pas impuni celui qui invoque son nom pour le mensonge.
    4. « Pense au jour du Sabbat pour le sanctifier. Durant six jours tu travailleras et t’occuperas de toutes tes affaires, 9, mais le septième jour est la trêve de l’Éternel ton Dieu : tu n’y feras aucun travail, toi, ton fils ni ta fille, ton esclave mâle ou femelle, ton bétail, ni l’étranger qui est dans tes murs. Car en six jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils renferment et il s’est reposé le septième jour ; c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du Sabbat et l’a sanctifié.
    5. « Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que l’Éternel ton Dieu t’accordera.
    6. « Ne commets point d’homicide.
    7. « Ne commets point d’adultère.
    8. « Ne commets point de larcin.
    9. « Ne rends point contre ton prochain un faux témoignage.
    10. « Ne convoite pas la maison de ton prochain ; Ne convoite pas la femme de ton prochain, son esclave ni sa servante, son bœuf ni son âne, ni rien de ce qui est à ton prochain. »

Dieu libère de la religion des esclaves

Le don de la loi par Dieu, via Moïse, au peuple d’Israël est inséparable de la libération de l’esclavage en Égypte et d’une alliance « de grâce » que Dieu établit avec le peuple. C’est rappelé dans la première « parole » des dix commandements :

« Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, d’une maison d’esclavage. »

La seconde des paroles apparaît comme un commandement également dirigé contre une forme d’esclavage religieux : celui des « idoles » polythéistes où l’homme s’abaisse devant les « dieux », leur sacrifient quelque chose, en espérant qu’en retour les « dieux » lui soient favorables :

« Tu n’auras point d’autre dieu que moi. Tu ne te feras point d’idole, ni une image quelconque de ce qui est en haut dans le ciel, ou en bas sur la terre, ou dans les eaux au-dessous de la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, tu ne les adoreras point. »

Une différence essentielle entre Dieu et les « dieux » : Dieu libère gratuitement le peuple d’Israël, sans qu’il se soit prosterné devant lui, lui ait offert un sacrifice. S’il y a des rites sacrificiels dans le judaïsme ce sont des rites d’action de grâce pour le bienfait reçu et non des rites d’assujettissement pour recevoir un bienfait.

En donnant la loi au peuple d’Israël, Dieu en fait des individus fondamentalement libres et égaux

Une bonne partie des dix commandements régulent la vie en communauté humaine (ne pas tuer, ne pas calomnier, ne pas voler, honorer son père et sa mère, ne pas jalouser et convoiter ce qui appartient à autrui, ne pas être adultère). Ces commandements créent une égalité de fond entre les membres du peuple. Ils empêchent la relation maître-esclave. Longtemps le peuple d’Israël n’aura pas de rois. Et quand il en aura un pour faire comme les autres, les ennuis commenceront parce que les rois très vite seront des rois injustes, cherchant avant tout à établir un pouvoir personnel, Dieu leur envoyant régulièrement des prophètes pour les rappeler à l’obéissance à la loi.

2) Dieu loue Jacob de Lui avoir résisté (Genèse, chapitre 32)

« Israël » est le nom qu’a reçu Jacob, le petit-fils d’Abraham, après qu’il a combattu une nuit avec Dieu (Livre de la Genèse, chapitre 32). « Israël » signifie « fort contre Dieu », « qui résiste à Dieu ». Jacob aura douze fils qui sont les ancêtres « éponymes » des 12 tribus d’Israël. Avec une importance particulière pour la tribu descendant de Juda (tribu « juive ») : y naîtra le roi David, y est attendu le Messie.

Suite à l’épisode de Joseph, l’avant-dernier fils, vendu par ses frères, l’ensemble « du peuple d’Israël » se retrouve réduit en esclavage en Égypte et Dieu appelle Moïse pour le libérer et le ramener dans sa terre de Canaan au bout de 40 années dans le désert.

Le récit du combat de Jacob avec Dieu nous fait clairement découvrir que Dieu ne veut pas être un Maître soumettant l’être humain, mais apprécie et loue l’homme qui lui a résisté :

« Jacob étant resté seul, un homme lutta avec lui, jusqu’au lever de l’aube. Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, il lui pressa la cuisse ; et la cuisse de Jacob se luxa tandis qu’il luttait avec lui. Il dit : « Laisse-moi partir, car l’aube est venue. » II répondit : « Je ne te laisserai point, que tu ne m’aies béni. »  Il lui dit alors : « Quel est ton nom ? » II répondit : « Jacob. » Il reprit : « Jacob ne sera plus désormais ton nom, mais bien Israël ; car tu as jouté contre des puissances célestes et humaines et tu es resté fort. » Jacob l’interrogea en disant : « Apprends-moi, je te prie, ton nom. » II répondit : « Pourquoi t’enquérir de mon nom ? » Et il le bénit alors. Jacob appela ce lieu Penïel « parce que j’ai vu un être divin face à face et que ma vie est restée sauve. » Le soleil commençait à l’éclairer lorsqu’il eut quitté Penïél ; il boitait alors à cause de sa cuisse. »

La suite de l’histoire biblique du peuple d’Israël, de la descendance de Jacob renommé Israël, sera celle d’un peuple « à la nuque raide » : un peuple insoumis à tout ce qui se présente comme autorité humaine suprême, mais aussi souvent infidèle à l’alliance et à la loi. Avec à nouveau des prophètes envoyés par Dieu pour lui rappeler l’alliance et la loi.

Cet épisode dans la traduction liturgique catholique francophone :

Jacob resta seul. Or, quelqu’un lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. L’homme, voyant qu’il ne pouvait rien contre lui, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant ce combat. L’homme dit : « Lâche-moi, car l’aurore s’est levée. » Jacob répondit : « Je ne te lâcherai que si tu me bénis. » L’homme demanda : « Quel est ton nom ? » Il répondit : « Jacob. » Il reprit : « Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël (c’est-à-dire : Dieu lutte), parce que tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu l’as emporté. » Jacob demanda : « Fais-moi connaître ton nom, je t’en prie. » Mais il répondit : « Pourquoi me demandes-tu mon nom ? » Et là il le bénit.

Jacob appela ce lieu Penouël (c’est-à-dire : Face de Dieu), « car, disait-il, j’ai vu Dieu face à face, et j’ai eu la vie sauve. » Au lever du soleil, il passa le torrent à Penouël. Il resta boiteux de la hanche.

Marc Chagall, Le Combat de Jacob avec l'Ange, 251×205 cm (1966)