Une interview de Stromae sur le Journal Télévisé de TF1 fait le buzz

Commentaires d’internautes sur la page Facebook de La Libre

  • Un grand parmi les grands !
  • Splendide, interprète à la Brel, un génie de son temps, fier d’être Belge et pas français comme la journaliste l’a dit « Coudret », plutôt un génie francophone, mais belge.
  • Enfin ont le retrouve quel interprète il est génial
  • Un grand MONSIEUR 💗🇧🇪
  • Très émouvant et vrai
  • La dépression est une maladie invisible. Un dur combat contre soi même pour pas s’effondre complètement. Qui tapisse dans l’ombre. Et qui ronge beaucoup de monde. Courage a lui j’espère il gagnera contre cette maladie.
  • C’est un génie ! Et franchement faut en avoir pour sortir un son pareil en prime sur TF1. Il est incroyable 😳
  • Le buzz, encore le buzz, toujours le buzz……Enfin, chacun son truc….. mais je trouve ça insupportable et fatigant !…..Et pourquoi choisir TF1 ?…..Il est Belge…..!!
  • Du talent tout simplement. Cri de l’âme fait de façon grandiose. J’adore ♥️♥️♥️♥️
  • Qu’est ce qu’il est beau. Costard chignon plateau de tf1 qu’il fait tourner. Le plus grand artiste francophone à 10 ans d’avance sur la concurrence.
  • Personne ne parle de son nouveau poids et coupe de cheveux que je trouve « fort minables », on dirai qu’il a enfin trouvé papa…… mais le texte et le talent je trouve formidables. Fier d’être africain comme toi.

Commentaires d’internautes sur la page Facebook du Soir

  • Ça c’est du belge
  • Il est GENIAL et UNIQUE, le problème sera que des olibrius essaieront de le copier, ce ne seront que de vulgaires plagiats ! Bravo et merci Maestro !
  • Sauf si on considère qu un JT n est pas supposé être un lieu de com’ bien entendu.
  • Ce mec est un génie absolu de la com…!
    Après on peut ne pas aimer… bien que j’ai des doutes sur le bien fondé de ceux qui ne l’apprécient pas…
    Mais ce qu’il fait est à des années-lumières des autres. Au temps des influenceurs, le mec propose quelque chose de si différent… Absolument génialissime…
  • l’art de la com surtout et du gros coup marketing grassement payé par la Une française…
  • Dans la vie il faut toujours être différent des autres faut pas faire comme les autres j aime stromae il passe des messages dans sa musique

Brève revue de presse…

Un extrait d’un commentaire de Thierry Coljeon, journaliste au service Culture du journal Le Soir :

On se croirait revenu à la grande époque de Mylène Farmer faisant de même avant de disparaître des radars médiatiques. À la grande différence près que Paulo va inventer le concept d’interview chantée après l’échange courtois et convenu avec la présentatrice Anne-Claire Coudray. Habillé comme un candidat à l’élection présidentielle, loin des marqueurs stylistiques de sa marque Mosaert, Paul va tout faire basculer en fin d’interview en chantant la dernière réponse et ainsi présenter de façon abrupte et inattendue son nouveau single, L’enfer. Une chanson sur la tentation du suicide sans doute inspirée par les heures sombres qu’il a lui-même vécues en 2015-2016 suite à une grave réaction à son traitement anti-paludisme.

Un instant télé

Là, Stromae crée un « instant télé » qui marque l’histoire du paysage audiovisuel. Comme il l’avait fait avec Jamel pour Alors on danse ou avec sa moitié/son double pour Tous les mêmes, sur Canal +. Comme il l’avait fait avec Arno aux Victoires de la Musique sur France 2, pour un Putain putain d’anthologie. Comme il l’avait fait en simulant l’ivresse sur le plateau de Frédéric Taddei, sur France 2, pour Formidable. Comme il l’avait fait sur TF1 aux NRJ Awards avec son personnage « de cire » pour Papaoutai, etc.

De l’art d’être différent ! Stromae, maestro de la communication, fait chaque fois le buzz mais, comme il nous l’avait déjà dit en 2013, il ne s’agit pas pour lui de faire le buzz pour le buzz, comme tant d’autres, mais de réaliser une proposition artistique, qui a du sens, qui n’est pas gratuite. Stromae redonne du sens à la télévision, à l’heure où internet règne en maître. Ce qui ne l’empêche pas d’y imposer sa loi au travers de tous ses clips hyperléchés.

https://www.lesoir.be/417016/article/2022-01-10/stromae-de-lart-detre-different

Cédric Petit, journaliste au service Culture du journal Le Soir, passe en revue plusieurs réactions et analyses critiques de l’événement :

Tendre la perche à Stromae, est-ce de du journalisme ? Pour Jean-Jacques Jespers, professeur de déontologie journalistique à l’ULB, « c’est un vieux débat. Rendre compte d’un film, ou d’un livre, d’un disque avec son créateur, apporte indubitablement un élément d’information. La suspicion est, par nature, moins grande quand on parle d’un produit culturel que lorsqu’il s’agit de faire de la propagande politique ou la promotion d’un produit commercial. S’il y a au préalable un accord entre le média et un producteur, on peut considérer qu’on est dans le cadre d’un échange d’ordre publicitaire. Mais c’est rarement le cas ; on est plutôt dans un win win ».

Donnant-donnant : TF1 obtient l’interview de Stromae en échange d’une forte visibilité en prime time. Mais, cette fois, avec une mise en scène qui a été imaginée pendant plusieurs semaines, comme l’a expliqué Yoann Saillou, directeur artistique de TF1. Déontologiquement, « on peut toujours se réfugier derrière l’article du code qui précise que toute mise en scène doit être mise au service de l’information. Est-ce de l’information ou de la promotion ? La question est de déterminer l’intention ; elle était vraisemblablement de créer un moment d’émotion favorable à l’invité », poursuit Jean-Jacques Jespers. « C’est toujours ce qui est recherché dans l’exercice ambigu du journal télévisé, pour moitié moment d’information, pour moitié moment de connivence, qui réunit tous les publics. Dans un JT, on essaie de donner au public plusieurs sortes d’émotions, particulièrement dans un média d’émotion comme TF1 ».

Or, avance encore le professeur de déontologie, ex-président du Conseil de déontologie journalistique, de nombreuses enquêtes montrent que la confusion entre com’ et information est de moins en moins remarquée par le public. « Il est donc important de rappeler, chaque fois qu’on le peut, que ce n’est pas la même chose ». Pour certains, le coup de génie de Stromae serait aussi là, d’avoir réussi, en adoptant un code vestimentaire strict (costume noir, chemise, cravate), d’avoir « cassé les codes » du JT.

(…)

Du côté de RTL-TVI, Laurent Haulotte se dit « interpellé » par l’épisode : « Rien n’est plus codifié, et ce n’est pas un jugement de valeur de ma part, qu’un journal télévisé : le costume cravate, la façon de filmer, les normes déontologiques auxquelles répondent les sujets traités. On voit bien qu’on est sorti de ces codes. C’est délicat, parce que c’est un programme dans lequel le téléspectateur doit avoir confiance. Rien ne doit jeter le doute sur notre neutralité. Aux Etats-Unis, Stromae est passé au Tonight Show. Je ne suis pas sûr que CBS News l’aurait fait dans son journal, dont la forme n’a presque pas bougé depuis 50 ans ».

Le malaise tient moins dans le caractère disruptif de la prestation que dans son caractère préparé, concerté, cogité par l’artiste et le média. Le problème étant aussi que « quand on pervertit un genre, il est très difficile de lui redonner sa vraie nature ensuite », avance une interlocutrice. La performance terminée, l’image de Stromae n’a pas été abîmée ; celle du journalisme, oui. « Il y a un réel souci à voir ainsi les artistes, ou les vedettes en général, vampiriser les médias. On peut se demander dans quelle estime Stromae tient les journaux, les médias et les journalistes pour les utiliser de cette manière ». Et de prendre en exemple la déception d’Anne Sinclair, évoquée dans ses Mémoires, d’avoir fait des pieds et des mains pour accueillir Madonna dans Sept sur Sept, où la star s’en était tenue au minimum syndical, hermétique aux questions qui lui étaient posées. Le jeu en valait-il la chandelle ?

Hadja Lahbib, journaliste à la RTBF et vice-présidente du Conseil supérieur d’éducation aux médias, défend la même nécessité d’équilibre entre les qualités d’un artiste – «   il a parlé de dépression, de l’enfer dans lequel certains plongent, ce qui peut trouver un écho chez beaucoup de monde, c’est aussi de l’art de pouvoir exprimer ce que beaucoup ressentent » – et celles d’un média, quelles que soient les pressions qui peuvent s’exercer. « La limite est claire : “Vous pouvez ne pas répondre à mes questions, mais vous n’avez pas le droit de me les dicter” », schématise-t-elle. « Ce qui a manqué avec Stromae c’est la transparence, la sincérité, nécessaires vis-à-vis des téléspectateurs, le simple fait de prévenir qu’on changeait de registre. Les artistes ont leur ego, leur image. Nous avons notre crédibilité, notre indépendance à préserver. C’est fondamental ».

https://www.lesoir.be/417187/article/2022-01-10/stromae-lenfer-du-melange-des-genres

Le vrai coup de maître de Stromae d’après Geoffroy Klompkes de la RTBF

Dans la pop musique, faire danser joyeusement sur des paroles tristes n’a rien de neuf mais Stromae porte cet Art à un très haut niveau, apportant ainsi le sujet du suicide en particulier et de la santé mentale, de plus en plus centrale de nos jours, sur le plateau du 20h de la plus grande chaîne de télé européenne.

Et ça fait aussi partie du génie de Stromae : faire sa promotion tout en faisant passer les thèmes qui lui tiennent à cœur. Et là où d’autres perdent souvent les spectateurs quand ils veulent aborder les thèmes sérieux, par sa force de conviction et son interprétation, Stromae les retient et les tient en haleine, le souffle coupé.

Respect, vraiment.

Ce qu’en disent Benoît Montaggionni et Claire Chazal

Benoît Montaggionni, journaliste au Journal de Saône et Loire (qui avait débuté sa carrière sur RCF, une radio catholique) donne, sur Twitter, un avis déontologique* critique :

La séquence de Stromae au JT de TF1 est cool. Mais un truc me chiffonne : Intégrer une séquence (joliment) mise en scène à la fin d’une vraie interview tend à décrédibiliser l’exercice journalistique. Ça laisse à penser que tout entretien est du théâtre préparé à l’avance.

Claire Chazal, ancienne présentatrice du JT de TF1 réagit à à cette amorce de polémique dans le magazine Télépro :

Il faut être très souple. Le dimanche soir, on donne la parole à des artistes, c’est très important. Stromae a accepté de dévoiler quelque chose, que la forme soit originale, sorte du cadre du JT et nous emmène dans la chanson ne pose pas problème. Il faut pouvoir se donner cette liberté-là. Je me souviens de quelques séquences spéciales avec Jamel Debouzze, Alain Chabat ou Kad Merad. Certes, c’est une promotion, mais pourquoi pas…

« déontologie » : ensemble des principes et règles qui devraient présider à l’exercice d’une profession (du grec / todéon « ce qu’il convient de faire » et  /logos « le discours, la doctrine »)


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Version avec police de caractère et interlignes plus grands
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Une note de mon cours de religion au sujet de cette chanson (et d’autres) autour du thème de la liberté perdue.


Le clip officiel