Le haïku : un instantané entre Ciel et Terre

Une anthologie de haïkus d’Issa vient d’être publiée aux édition Synchronique : Haïkus entre ciel et terre. Issa. Plus de cents haïkus de Kobayashi Issa y sont rassemblés sous trois versions : le texte écrit verticalement en idéogrammes japonais, une translittération en alphabet latin sous formes de trois vers et une traduction française en trois vers. Le tout illustré par Manda, une peintre et calligraphe, spécialiste du haïga (composition où s’articulent image et calligraphie d’un haïku.

Le haïku : caractéristiques et règles

Le haïku est un genre poétique japonais. Aujourd’hui, sa pratique a largement dépassé le Japon, elle est devenue universelle, dans toutes les langues. Paul Claudel, poète et dramaturge français qui a séjourné au Japon, en parle comme une semence d’émotion et le compare à ces petits cailloux jeté dans l’eau dont les ondes circulaires vont loin ou à ces petits papiers pliés de nombreuses fois, puis découpé aléatoirement de sorte que leur dépliement donne des figures d’une grande complexité.

1. Le nombre de syllabes et les césures : brièveté

En principe un haïku est composé de 17 syllabes séparées en trois groupes rythmiques suivis d’une césure : un groupe de 5syllabes, suivi d’un groupe de 7 syllabes, puis d’un groupe de 5 syllabes. Écrit en japonais, il tient en une ligne horizontale. Translittéré ou traduit en d’autres alphabets et langues, il tient en trois vers. Il est souvent difficile de respecter cette contrainte dans une traduction ou lorsqu’on écrit, en amateur, des haïkus. Essayons de respecter cet ordre de grandeur. Le haïku est bref.

Une double page du livre :

Herbe de rosée
avant tout du bonheur
et quelle fraîcheur

Temple de montagne
des profondeurs enneigées
résonne la cloche

2. Simplicité et détachement du poète

Les sujets du haïku et le style d’écriture doivent être simple : des réalités ordinaires, banales, parfois triviale, l’utilisation de moyens langagiers simples, pas de grandiloquence, de figure de style complexe, de rime, de phrase compliquée…

Le poète donne également une image simple de lui-même. Il ne se met pas en avant contrairement au poète occidental souvent marqué par le romantisme.

3. Mot de saison ou kigo

Le haïku renvoie à une saison en intégrant un « mot de saison », un kigo. Le mot « sakura » (cerisier en fleur ou fleur du cerisier), dans le poème suivant d’Issa renvoie au printemps :

Komefumi mo
uta wo ba yame yo
sakura chiru

kome : riz – fumu : écraser, marcher sur, appuyer avec le pied, fouler; expérimenter, éprouver; suivre des règles; faire des rimes; hériter – mo : aussi – utau : chanter – wo : particule qui indique le CDV, entre autres – yameru : arrêter, stopper, abandonner, abolir, annuler, renoncer, abdiquer – yo : particule placée à la fin d’une phrase, elle indique une nuance de subjectivité, une opinion personnelle. – chiru : tomber, s’éparpiller, se disperser, se répandre, disparaître, mourir d’une mort noble

vous qui pilez le riz
cessez donc de chanter
le cerisier en fleur se disperse

Existent au japon des saijikis, recueils de kigos classés selon les saisons. Bien entendu, d’une culture, à l’autre la saison de référence peut changer pour un mot.

4. Instantanéité

Le haïku ne rend pas compte d’un processus, d’une durée, il cherche à saisir et exprimer un instant du temps qui passe.

5. Résonance intérieure

Simple et bref dans sa forme et son fond, le bon haïku doit provoquer chez le lecteur une résonance intérieure qui peut être complexe, durable. Cela suppose de se disposer intérieurement pour se laisser toucher par le poème, de se ménager une hanani intérieure. Les hanani, au Japon, sont des activités collectives organisées fin mars-début avril pour contempler les sakuras, les cerisiers en fleurs avant leur cyclique et précoce dispersion.

Plusieurs zones intérieures sont mobilisables :

      • l’intellect quand le haïku nous plonge dans la réflexion
      • l’affectivité quand il provoque en nous émotions et sentiments
      • l’imagination quand nous visualisons intérieurement des images
      • notre identité profonde quand le haïku touche en nous ce « je ne sais quoi » ou ce « je ne sais qui » qui fait que nous sommes qui nous sommes, ce que les mystiques appellent notre « esprit profond », notre « volonté profonde ».
Allée de Sakuras

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Une note de synthèse sur les zones intérieures mobilisables dans le cadre de l’UAA6 (par exemple face à un haïku dont on relate l’expérience)

Une leçon vidéo sur le haïku
Un dictionnaire du japonais


Haïkus découverts par des élèves sur le web

Dans la neige
l’empreinte de l’homme
en patte d’ours Cliquez ici

Plus l’été
pas encore l’automne –
nos belles années Cliquez ici

« Laissez-moi »
je dis, en espérant
qu’une personne reste

Fin de matinée
on recueille les pensées
les garder pour soi

Le papillon volette
comme n’ayant de ce monde
plus rien à espérer Cliquez ici

Haïkus d’élèves (2022-2023)

Froid et calomnie
descend sur cette vie
je voyage seul

(adaptation par un élève d’un haïku de Bashô)