11/03/2023
ÉDITO
TikTok, il est l’heure de se réveiller
Philippe Laloux
Osons. Et si, tout compte fait, la disparition de TikTok des smartphones des agents de l’Etat, décidée par la Belgique dans le sillage d’autres pays ou des autorités européennes, était une aubaine ? Les voilà libres. Soustraits des flux ininterrompus de désinformation, de discours de haine ou de sottises futiles. Extraits de ces bulles idéologiques où des algorithmes les avaient artificiellement confinés. A l’abri des ingérences, des opérations d’influence et des programmes de surveillance. Fini l’addiction, le cyberharcèlement, les atteintes à la santé physique et mentale, les usurpations d’identité, les arnaques, le piratage, le bombardement publicitaire… Respirer, enfin. Et puis réfléchir. Se dire, qui sait, qu’il est urgent de rattraper le temps perdu, de reprendre le contrôle de sa vie privée. Et de récupérer la maîtrise de ses droits numériques. Tant à titre privé que collectif.
Sauf que c’est raté. La mise au ban de l’application chinoise, soupçonnée d’être de mèche avec Pékin, est sans doute justifiée pour des raisons de sécurité nationale impérieuses, sur fond de guerre froide 2.0. Mais si TikTok nous traque, que dire de ses clones de la Silicon Valley, comme Facebook, Instagram, Google, YouTube ou Amazon. Bien avant les Chinois, les Gafam ont inventé le capitalisme de surveillance, une opération de collecte massive et industrielle de données personnelles à des fins commerciales. Ou d’influence d’opinion. Au point de changer le cours de l’histoire en propulsant des leaders populistes au sommet des démocraties occidentales. Ou de tuer le débat démocratique. (…)
- Résume en 20-25 mots cette première partie de l’éditorial
- Résume en 50-60 mots cette première partie de l’éditorial
Suite de l’éditorial :
« Ne soyons pas naïfs », a lui-même clamé le Premier ministre Alexander De Croo pour justifier l’interdiction de TikTok pour les agents de l’Etat. Chiche. Ouvrons les yeux. Et agissons au moins sur trois fronts.
Un : l’éducation aux médias pour que, demain, l’émancipation du diktat des réseaux sociaux ne se fasse pas sous la contrainte, mais en âme et conscience.
Deux : le développement d’un écosystème digital soluble dans les valeurs européennes, pas sous perfusion américaine. Arrêtons d’interdire, créons.
Trois : des autorités européennes de protection des données puissantes qui fassent leur job sans concession. Contrôler en toute indépendance l’usage de nos données par ces multinationales, qu’elles soient américaines ou chinoises. Il nous appartiendra alors, en tant qu’individu éclairé et libre, de passer notre vie à la déballer publiquement. Idem pour les responsables politiques qui y perdent une bonne partie de leur temps. Et parfois de leur âme.
Vocabulaire
Aubaine : chance
Futiles : superficiel, sans valeur, sans importance
Idéologies : manières de penser, visions des choses
Algorithme : programme informatique
Confiner : enfermer
Mise au ban : exclusion
Être de mèche : être complice
Silicon Valley : région de Californie où sont implantée les multinationales de l’informatique états-unienne, les réseaux sociaux états-uniens
Émancipation : libération
Perfusion : dépendance
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